Avant de s’effacer dans l’autre monde, Mia raconte à son arrière petite fille comment Dhortout, son village, a sombré dans le désastre. En plongeant dans son vieux journal, elle retrouve son regard d’enfant face à la malveillance, un regard tendre et lucide, témoin d’une bêtise qui se transforme en haine, témoin de la maltraitance d’une jeune fille étrangère. Dans son ultime transmission, elle ranime les émotions, la prise de conscience, le courage et la révolte de cette petite fille qu’elle fût et qui n’a jamais cessé de vivre en elle.
Ce conte initiatique souligne la puissance de la parole, son pouvoir destructeur mais aussi son ressort libérateur et créateur. Il évoque la difficulté à surmonter les violences verbales. « …les mauvais mots la cognaient aussi fort que des coups… », et pose également la question des émotions refoulées et de leur devenir.
Par delà les grands thèmes d’intolérance et de xénophobie, Marie Buvard est comme un signal d’alarme sur un terrain glissant, celui de la banalisation du langage.
Face à la gravité de son propos, l’auteure Joëlle Driguez avance dans son récit d’une manière singulière et légère. Les moments d’émotion intense vécue par la narratrice sont portés par la poétique des chants, la légèreté des comptines et de la danse. « Monologue Maussade Monopole Monocorde Morose dégringolade Module brouillard épais éMotions au rebut Motus et bouche cousue… »
Dans son écriture chaque mot est choisi pour à la fois soutenir sa quête de sens, et répondre
à une irrésistible envie de jouer avec la matière sonore. Elle mélange et déforme les mots selon son souhait, tantôt juste assez pour qu’ils soient reconnus, tantôt malaxés au point de nous faire croire à une langue étrangère! «Tétchépéo zirups!», « On l’accablait d’une râleveillance insensée, elle
était devenue la tête de chmurc… il y avait toujours quelqu’un pour jeter du fuel sur le feu. Moi, je tremblais à l’idée de la goutte qui ferait déborder le gaz! Tchoémayérakméo! Cela me rongeait les flancs, j’en perdais le poil de ma bête…. ».
Sur la scène, l’air de rien, la narratrice se transforme en personnage de l’histoire au gré des péripéties du récit – en grand mère Mia, en petite Mia, en arrière petite fille, et en Marie Buvard. Ainsi, avec humour et sensibilité, le spectacle fait résonner les émotions des personnages et la réflexion qui sous-tend l’histoire.
Joëlle Driguez et Dilia Lhardit
Joëlle Driguez
Dilia Lhardit avec la complicité de Francesca Giuliano
Joëlle Driguez