Méninas conduit parallèlement des actions de sensibilisation et de transmission sur le terrain parmi lesquelles nous pouvons citer : - Les ateliers sur la Vallée de l’Huveaune auprès des femmes et des jeunes autour de la parentalité et de l’affirmation de soi, en partenariat avec la Politique de la Ville. La direction depuis 2008 de la « Journée des écrits autobiographiques » sous l’égide de l’Académie Aix-Marseille, en partenariat avec l’association APA, la Cité du Livre et la Ville d’Aix en Provence (projet inscrit dans Marseille Provence 2013). Cette manifestation concerne aujourd’hui une quarantaine de collèges et de lycées. La compagnie intervient sur toute la conception de la journée (mise en espace des présentations, temps forum, programmation…) ainsi qu’en amont, auprès des élèves et des professeurs pour faciliter la mise en voix des écrits. La collaboration avec la CCAS d’EDF sur ses camps de vacances jeunes et adultes sous la forme d’un théâtre interactif où nous abordons des questions telles que le respect de la différence. L’atelier de pratique artistique au Lycée St Thomas d’Aquin (dispositif CVLA région Paca) et les ateliers de pratique amateur à la Maison des Lices pour les enfants (8-12 ans) et les ado/adultes. Grâce à la rencontre avec ces publics, la compagnie reste proche des sources qui inspirent et génèrent son travail de création : histoires de famille, de culture, de lutte et d’espoir…Tout simplement des histoires de vie.
Au lendemain d’une catastrophe, peut-être la Nouvelle Orléans. Au milieu d’une terre dévastée , deux femmes, Amanda et Rose sont assises sur le perron d’une maison détruite. Elles boivent des bières, rient, chantent. Elles revivent des histoires de rupture, de perte, d’amour trahi, de désir…Elles reviennent sur le passé pour retrouver la faim, la soif, la force de vivre au milieu du chaos. Amanda : Je me souviens. C’est la dernière fois que ma mère l’a vu. Ils s’étaient donnés rendez-vous devant la place de l’église. A côté des marchands ambulants. Il faut qu’on se retrouve au milieu de la foule pour ne pas se faire remarquer… F : Il y a quelque chose qui s’éclaircit. C’est très beau. Amanda:…c’est jeudi saint. Des centaines de personnes envahissent la place. Ils nous bousculent. Le Christ, sa tête ensanglanté, traîne sa croix, m’effleure le ventre. Je sens sa main…F : Ta main. Parle-lui. Amanda : Tu me prends par la main et tu m’emmènes. De l’autre côté de la place, je la lâche. « Je suis venue te dire que … »Rose : « Je m’en vais (elle chante et rit), et tes larmes n’y pourront rien changer. »Amanda: Non ! C’est une histoire sérieuse ! Elle va traîner ça toute sa vie ! (un temps) Je suis enceinte. Non, plutôt, « j’attends ton enfant. ». Non, « je porte ton enfant ». Tu as une autre femme. Tu dis que tu m’aimes. Rose : Le salaud. Rose/Lui - Me haces falta. (Tu me manques) Il la touche, la prend dans ses bras, l’embrasse. Amanda/Elle : Estoy embarazada. (Je suis enceinte) Rose/ Lui: Desde hace cuanto tiempo? (Depuis quand ?) Amanda/Elle : Dos meses. (Deux mois) Il pleure.Rose/Lui : Amor ! mi amor ! (Amour ! mon amour !) Elle se dégage. Amanda/Elle: Ayer la vecina dijo que tu ténias otra mujer. (Hier, la voisine m’a dit que tu avais une autre femme) Silence. Amanda /Elle : Demain, je retourne dans mon pays. Silence Rose/Lui- Voyons, nous allons être intelligents. Elle lui donne une baffe se lève et s’en va. Rose : Mais…il veut la rejoindre. Amanda : Non. Ce matin-là , elle n’avait pas chanté. Elle était restée couchée, écrasée par le poids de ces os. « Si ma volonté est plus forte que mon corps, j’irai le voir ». Dans la salle de bains sombre et puante par l’odeur de pise de ses frères, elle a palpé son ventre. Rien. Il était toujours lisse, plat. « Aucune femme n’a une peau aussi douce que la tienne ». Il lui avait raconté comment un jour en évoquant la douceur de sa peau avec un ami, il avait senti son sexe se raidir. Elle avait détesté ce récit. Aucun homme ne lui avait jamais parlé de cette façon, avec des mots brefs et incisifs. Elle en était bouleversée. Faux départ Bruit de vent fort. Orage. Ambiance moite, sombre.Elles sont dans le noir, on entend des voix qui rouspètent, en italien, en espagnol, bruits de corps qui s’agitent sous des couvertures, des bâches en plastique. Rose : Mi tira, mi tira… Laisse-moi ta place. On entend quelque chose tomber dans l’eau. Un bruit sourd. Amanda : La luz, la luz ! (Un temps) Ne pourriez vous pas retirer ce joli pied de mon estomac, madame la femme enceinte. J’aimerai pouvoir y mettre autre chose. (Dans un accès soudain de rage) Elle est où cette putain de lampe ! Silence. Rose allume la lampe. Amanda va pour s’en saisir. Rose : (En cachant la lampe sous ses jambes) Et qu’est-ce que tu me donnes ? Amanda : (En levant la main comme pour la frapper) Ca. Rose : Tu ne peux pas. Je suis enceinte. Amanda : (En se levant précipitamment) Argh ! Mais qu’on me lâche, bon sang ! (Vers Rose) Je n’ai rien à foutre de toi, de tes gémissements, de tes pleurs. Crève ! Toi… et cette chose que tu as dans le ventre ! Que tes entrailles s’enflamment ! Que cet enfant du pêché soit brûlé, calciné, consumé ! (Elle se met à marcher rapidement. Cherche ses affaires. Pour elle) Mais quelle conne ! Je vais me faire avoir à nouveau. (Résolue) Faut pas que je me retourne. Pas de pitié. Qu’elle se débrouille ! Les secours vont bien finir par arriver. Moi, faut que je me casse… (En tournant autour de la maison) Et cette foutue jambe. Merde ! (Elle essaye de marcher plus vite malgré la douleur, serre ses dents). Rose la regarde impassible, sort une orange de sa poche, commence à la peler. Rose : Tu en veux ? Amanda : (Pour elle) Faut que je marche vers le nord, jusqu’au pont. Je trouverai un bateau ou alors je nagerai. Oui, c’est ça, je nagerai. (Elle s’arrête soudain, cherche dans quelle direction se trouve le nord). Rose : (Met son doigt dans la bouche pour sentir la direction du vent. Le lève) C’est par là . Amanda : (Fâchée) Mange pas cette orange trop vite, toi…Faut la faire durer…Les secours ne vont pas tarder… Il ne pleut pas au moins…tu ne crains rien. (Elle commence à partir vers le nord) Rose la regarde, elle sourit, mange un bout de son orange. Rose : (De face vers le public, elle chante) Tu sei la piu bella del mondo…D’abord, elle avait remarqué ses mains. Ne pouvait plus s’en passer. (Amanda arrête de marcher, elle écoute). Prise par cette passion, elle se regarde dans le miroir… Elle se trouve belle, jeune, encore jeune…Amanda : (se retournant) De qui tu parles ? Rose : De ma grand-mère. (Elle toque trois fois.)Rose/Fr : Che succede nonno Carmelo ?Amanda/Carmelo : Guarda questi giornali, ils ont publié ces poèmes alors que l’ai toujours empêché d’écrire. Je ne voulais pas qu’elle travaille ; elle disait qu’elle voulait être maîtresse d’école, enseigner. Elle aimait ça…être avec les autres. Je lui ai toujours interdit. Qu’est-ce qu’elle avait à faire dehors ? Rose : Tipico.Am/ Carmelo : (continue sans l’entendre) C’est l’homme qui assure pour la famille. Non sono cose di femmine. Tu non t’hai a’ccupari di ‘sti cosi. Elle pleurait. (Il pleure) Elle allait dans sa chambre. Elle avait du talent… io non gliel’ho permesso.Rose/Fr : Sai nonno, nonna Raffaella était contente de ses enfants, de sa famille. Même si elle avait besoin d’écrire. Am/Carmelo : Et qu’est qu’il faisait là , cet homme dans mon salon ? (Un temps) Elle me haïssait…(Désespéré) Ma non lo capisci che ti amo, io ti amo. (Silence. Il reprend peu à peu ses esprits). Elle voulait du rêve. Rose/Fr : Ma che sogni, nonno ? Am/Carmelo : Et de quoi veux-tu qu’elles rêvent les femmes ?